La musique d’orgue de Betsy Jolas

La musique d’orgue de Betsy Jolas

Loin des poncifs attachés à l’instrument, la musique pour orgue de Betsy Jolas sonne avec la même richesse d’invention qui gouverne toute sa production, explorant les potentialités de l’instrument soliste (Angela Metzger) ou confronté à un orchestre de chambre (le SWR de Cologne).

Betsy Jolas aime l’orgue, un instrument qu’elle a étudié à Princeton lors de sa formation états-unienne. Intégrale ou presque – il manque Musique d’autres jours pour violoncelle et orgue (2020) – les quatre œuvres de l’enregistrement, à travers leur titre notamment, témoignent d’une pensée musicale nourrie par l’expérience quotidienne de la vie : Leçons du Petit Jour (2007) est un hommage rendu par la compositrice à son maître Messiaen, avec chants d’oiseaux et bruits de nature stylisés, des figures libres qui s’inscrivent sur la toile sonore silencieuse et qui s’effacent aussitôt. Jolas nous met à l’écoute de ce qui advient, sélectionnant ses couleurs et jouant parfois avec les bruits de la mécanique : trouvailles sonores et arabesques aux lignes félines sont autant de phénomènes sonores inspirés par cet instant privilégié de la journée.

Musique de jour débute par un sol, une note importante dans sa vie, confie-t-elle, qui amorce bon nombre de ses œuvres pour clavier : son droit, comme l’« ison » varésien, autour duquel se construit l’espace polyphonique, donnant naissance, au mitan de la pièce, à un « fugato » savant à quatre voix !

Dans Musique d’Hiver (1971), pour orgue et orchestre de chambre, la pièce la plus étonnante de cet enregistrement, l’instrument de la Klaus von Bismarck Saal de Cologne devient un générateur de sons et la partition, sans barres ni indications de mesures, se fait le réceptacle de tous les possibles. Le rôle de la percussion, l’espace éclaté et le surgissement des blocs-accords évoquent là encore Varèse. Pas de violons mais dix altos et six contrebasses dans un orchestre qui inclut le piano et la harpe. L’orgue apporte ses couleurs à une écriture virtuose et constellatoire qui balance entre transparence (relais de timbres) et densité de la trame sonore nourrie par le plein-jeu de l’orgue et les démonstrations bruyantes de la percussion. S’exprime avec une certaine jubilation et un humour en filigrane (solo jazzy de contrebasse) cet idéal, chez Jolas, d’une musique vivante et libre que servent avec brio Angela Metzger et Titus Engel à la tête du SWR de Cologne.

Les Trois Études Campanaires, prévues à l’origine pour le carillon de Saint-Germain l’Auxerrois, sont jouées sur un orgue d’église, celui de l’église St Antonius à Düsseldorf-Oberkassel dont les jeux de percussions (célesta, marimba et carillon) s’avèrent tout à fait opportuns : libre polyrythmie superposant célesta, marimba et carillon dans la première et la dernière, charme de la ligne errante du seul célesta dans la deuxième. La musique est minimale, écrite pour la beauté du timbre, réaffirmant le goût de la compositrice pour les sonorités rares et les alliages inédits.

Michèle Tosi

 

ResMusica, 2 novembre 2025

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